” L’avare”, une pièce jubilatoire et communicative en ouverture de la saison théâtrale de l’Archipel.
“Tous les hommes sont semblables par les paroles et ce n’est que les actions qui les découvrent différents.” s’exclame Élise, fille d’Harpagon.
Une réplique fort juste car chacun va révéler ce à quoi il est le plus attaché. Une pièce mythique revisitée avec brio, brassant la satire et le quiproquo qui règne sournoisement dans la famille. Inspirée de la pièce latine “Plaute” qui traite des thèmes comme la tyrannie domestique, le mariage forcé, la misogynie et l’égocentrisme.
Toutefois, Jérôme Deschamps amène son style où la joie de jouer un Harpagon bougon, si odieux qu’il en devient attachant, s’avère surprenante, faisant vibrer ce classique, entouré de 10 comédiens, parés de costumes signés Macha Makeïeff. Un Harpagon malicieux et féroce, obsédé par l’argent, fourbe, si avare qu’il fait sentinelle sur son argent nuit et jour, soupçonneux envers son entourage, pensant qu’on le vole et gardant chez lui la fameuse cassette enterrée dans son jardin.
Harpagon ne dit jamais ” je vous donne mais je vous prête”.
Nous sommes au royaume de Molière, où un père est prêt à tout pour marier ses enfants sans rien payer, évidemment, tandis qu’il convoite la jeune Marianne, dont son fils Cléante est épris, et Élise promise au vieux Anselme, le père de Valère qui est amoureux d’Élise.
Une comédie burlesque où chaque personnage va manipuler les desseins de l’autre d’une manière plus complexe qu’on ne le pense. Dans un décor très épuré qui sied bien au thème de l’avarice, dépouillé du superflu, mettant en valeur le jeu expressif, généreux et joyeux des acteurs. Une adaptation qui sert les subtilités du texte de Molière, remplaçant l’intrigue par le portrait, peignant le naturel en grossissant les traits, ce qui fait bien rire. Le rire se combine chez notre Maître avec la gravité, le tragique.
On aime l’humour des situations, toutes plus cocasses les unes que les autres, allié à l’énergie et à la rapidité des répliques des acteurs, actualisant Molière. Les jeux de lumière bleutés passant par le rouge jusqu’à des nuances ombrées soulignent ainsi les états émotionnels. Du réalisme classique, en exagérant les travers, le milieu qui mêle amour et argent avec passion. Un spectacle qui ne trahit point le texte et qui permet de construire des souvenirs artistiques au fil du temps, et c’est très bien !
Le public, fort nombreux pour cette ouverture de saison, ne s’est pas montré avare d’applaudissements ni de mines réjouies à la fin de la représentation.
Le théâtre est un art vivant où rien n’est vrai mais tout est réel, le seul endroit où cela est possible.
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