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Macbeth à l’Archipel : un manteau de nuit sur l’Écosse

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» Rien n’est vrai mais tout est réel, vous êtes dans le seul endroit où cela est possible, vous êtes dans un théâtre. Le domaine des fantômes »
Ariane Mnouchkine

Des fantômes, il en est bien question dans Macbeth au Théâtre de l’Archipel, en présence du metteur en scène David Gauchard, qui a réuni plus de 1600 personnes sur deux soirées. Il a adapté la pièce la plus courte et intemporelle du génie shakespearien, d’une noirceur vertigineuse, qui possède la poésie de l’intensité. En s’emparant de cette tragédie de plus d’une heure quarante avec six acteurs, il choisit l’angle du couple prêt à tout pour régner, sans enfants sur l’Écosse, assassinant le roi Duncan pour s’emparer par traîtrise du trône.

En s’entourant du rappeur ARM dans le rôle de Macbeth, qui incarne la convoitise, l’ambition sanglante et désordonnée, fortement encouragé par Lady Macbeth (Marina Keltchewsky), son épouse, ils plongent dans une descente infernale sanglante. Faisant « de l’eau verte un flot rouge », ils offrent, au son des sonnets de Shakespeare, un bel alliage contemporain, laissant le spectateur faire preuve d’imagination au son de la cornemuse et des voix qui ponctuent le récit.

Une œuvre emplie de superstitions, sombre, traversée par des éléments de peur comme le tonnerre, les tempêtes, les présages des sorcières. Dès l’ouverture, ces mots « l’impur est pur et le pur est impur » en proclamant Macbeth roi, accentuent la tension dès le départ dans l’intrigue. Tout un jeu de masques où « il y a des poignards dans les sourires ». Tuer n’est pas un problème, mais trahir en est un !

La beauté de la langue se déploie sous le rythme lancinant du tambour, qui accompagne les consciences infectées se déversant tandis que le sommeil fuit, et où la folie gagne peu à peu Lady Macbeth, une présence absente, chargée d’invisible. C’est un manteau de nuit qui enveloppe l’intrigue et les personnages, qui tâtonnent comme embrumés sous les effets de lumière, favorisant ainsi le doute et l’insécurité omniprésente, comme lorsque le spectre de Banquo apparaît au banquet (qui est le public présent dans la salle).

Un saisissant portrait dans une scénographie sombre qui intègre la musique au théâtre, dont la grande force est de nous entraîner au-delà des repères rassurants d’un combat entre le bien et le mal. L’ambiguïté de l’homme trouve ici une étonnante dimension, qui se révèle vaine. On s’est laissé saisir par la puissance que permet le spectacle toujours vivant.

Macbeth, comme tant d’autres œuvres classiques, démontre avec éclat que le théâtre n’est pas un art figé dans le passé, mais une force vivante, capable de dialoguer avec notre époque. Ce spectacle au Théâtre de l’Archipel en est la preuve vivante.

Ce n’est pas un simple hommage à Shakespeare, c’est une réactivation de la puissance de son texte.